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Vous avez déjà vu un compétiteur dont le mental ne faiblissait jamais ? Certains, de prime abord, pourraient répondre oui : depuis un point de vue extérieur, avec du recul, c’est en effet ce que certaines icônes du sport peuvent donner à croire. Il y a de bons comédiens.

Et, nous le savons, donner cette impression est même souvent une posture stratégique, amenant l’adversaire à douter de lui-même. Mais ce qui se passe dans leurs têtes est bien souvent d’un autre acabit ! Si l’on pouvait entrer dans les méandres de leurs pensées, dans les fonctionnements de leurs mécanismes inconscients et de leurs ressentis, le constat serait sans doute différent… Plus complexe et surtout bien plus intéressant et riche en compréhension sur le fonctionnement du mental!

 

L’idée est simple : une émotion n’est pas stable. Notre cerveau n’est pas, à priori, taillé pour le permettre. Un état émotionnel ne ressemble jamais à un électroencéphalogramme plat ! Et en terme de stabilité émotionnelle, ce n’est même pas le temps d’une épreuve qui compte : un marathonien et un sprinteur doivent à peu de choses près affronter les mêmes démons, d’autant que l’état émotionnel qui précède une épreuve est lui aussi décisif. La stabilité, certains méditant tentent bien sûr d’y parvenir, et passer plusieurs années dans une grotte ou obtenir un détachement contemplatif total peut sans doute permettre de se rapprocher d’une stabilité à toute épreuve – certaines disciplines comme l’apnée peuvent même y trouver un bénéfice important – mais je ne suis pas certain que ce soit la recherche première d’un athlète ou d’un compétiteur. Bien au contraire.

 

La force émotionnelle.

Au final, l’important n’est pas que le mental puisse subir une baisse de niveau à certains  moments, mais que ces moments soient courts, maîtrisés et ouvrent la possibilité d’un rebond. Qu’ils soient l’occasion de regonfler le mental, de le rendre plus fort encore.

La clé pour parvenir à ce résultat, consiste à ne pas avoir peur de ses émotions, mais à les affronter.

Souvent, face à une baisse de régime, une personne « tend » sa volonté. Elle réagit donc en opposition à ce qui se passe en elle. En d’autres termes : le conscient s’oppose à l’inconscient. À ce petit jeu, la volonté consciente est à tous les coups perdante : elle ne peut pas tout porter et encore moins être partout. Pour tenter de le faire, elle déforme le « naturel », encombre, rend gauche… elle se disperse.Le conscient perd pied, s’agace, s’énerve et les sensations habituelles le fuient aussi surement que l’eau fuie l’huile. Je pense que nous connaissons tous ce mécanisme et ses conséquences peu reluisantes.

 

 

L’attitude à avoir ? Foncer dans son émotion.

Cela peut paraitre paradoxal, contre-intuitif, mais c’est pourtant une des principales clefs de la construction du mental.

Pour cela,la première chose est de sortir du « tout noir, tout blanc » des émotions. Imaginons qu’il n’existe pas d’émotions positives ou négatives en soi. Au niveau de notre fonctionnement, toutes émotions à ses fonctions, ses buts, ses utilités. Les émotions sont des indications émises par notre cerveau limbique, elles sont censées nous aider à réagir et à prendre les bonnes décisions. Elles sont des « messages », et un message n’est pas fait pour être ignoré, mais pour être lu.

Ainsi, notre cerveau apaise généralement une émotion quand nous lui faisons face : le message a été transmis. Fin d’émission.

Cela crée alors un aller-retour, un véritable « ascenseur émotionnel », qui est en général galvanisant et dont la traversée nous renforce.

Quand un marathonien affronte le fameux « mur » des 30 kilomètres : s’il est en lutte, il parviendra sans doute à se dépasser, mais en travaillant « contre » lui-même, l’énergie dépensée est alors énorme. S’il accepte l’émotion et se laisse porter par elle, il sera galvanisé et retrouvera rapidement un haut niveau d’énergie.

Comment procéder ? C’est avant tout une question de tournure d’esprit. Les amateurs du célèbre Franck Herbert, auteur (entre autres) du livre « dune » se souviennent sans doute de ce petit texte, la « litanie contre la peur », qui est un excellent résumé de cette attitude :

« Je ne connaîtrai pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi. »

Dans Dune, certains héros se répètent ces quelques phrases au moment où leurs émotions risquent de les submerger. C’est pour eux une façon de se souvenir de la bonne marche à suivre, de faire face, et de dépasser l’obstacle intérieur. Pourriez-vous faire de même ? Lors de votre prochaine compétition ou épreuve, si un passage à vide, un agacement, une peur ou un stress se présentent, pensez à cette idée, avec vos propres mots. Laissez-vous traverser par cette émotion, et passez au-delà d’elle, à travers elle…

Les personnes qui ont un moral puissant ne sont pas celles dont la volonté ne vacille jamais, mais celles qui ont apprivoisé la peur, le doute et la pression pour en faire des alliés, les mettre à leur service. Arrivé là, quoi qu’il arrive, ce qui ne les tuera pas le rendra plus fort.