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Être au présent ! Que l’idée est bonne ! Elle est même très à la mode depuis quelques années dans les milieux du coaching et du développement personnel. Le principe est simple, et tout le monde comprend bien l’avantage que l’on aurait, surtout dans un domaine de haute exigence,  à vivre l’instant avec intensité, à se couper du passage du temps pour être à 100% dans la concentration et l’action.

Surtout, une grande majorité des sportifs qui réalisent une performance marquante dans leur domaine décrivent en parlant de leur ressenti ce centrage très particulier, cet « état de grâce » dans lequel tout en eux est focalisé sur leur vécu, provoquant une sensation d’aisance, d’évidence… et un résultat optimal. Trouver et maîtriser cet état  est, du coup, devenu une véritable « quête du Graal » dans certains milieux, et depuis quelque temps, de nombreux sportifs nous contactent avec cette demande…

En apparence, il est plutôt simple d’être au présent : il « suffit » de se détacher du passé, de se détacher du futur, puis de couper ses pensées et d’être attentif à son ressenti… Je suis persuadé qu’en quelques heures, avec quelques indications basiques, toute personne habituée à la méditation finit par y arriver plus ou moins…

Mais, pour nous, l’enjeu est différent : nous avons besoin que nos clients y parviennent en pleine compétition, c’est-à-dire dans un univers bruyant, un rythme effréné, avec une pression sociale, de l’enjeu, les facteurs déstabilisants et tout ce qui rend ces moments si forts et inoubliables. Et là, obtenir un résultat demande un véritable apprentissage, précis et rigoureux,  avant d’atteindre cet « état de grâce ». Pour poser les bases de ce travail, voici en 3 volets quelques pistes pour commencer à apprivoiser cette forme de présence, en espérant que cela vous aider dans votre progression !

Partie 1 : Se libérer des souvenirs.

Le lien avec le passé est l’un des principaux obstacles à la notion de présence. Par la façon dont nous nous relions tous plus ou moins à nos souvenirs et expériences, nous nous créons un conditionnement. Nos frustrations, nos échecs passés, et autres moments de stress sont tout autant de micros traumatismes entretenus par notre pensée et qui viennent déformer, dénaturer l’expérience présente… Pourtant, ce lien est subjectif, il provient d’un apprentissage : nous avons tous une façon différente d’utiliser nos souvenirs et nos expériences, l’impact du passé est donc modulable, façonnable… surtout quand nous comprenons comment notre cerveau fonctionne.

3 exemples pour comprendre l’impact habituel du passé sur le présent :

La douleur. Nous savons que la douleur psychologique – liée aux souvenirs de la douleur et aussi à son anticipation – participe à hauteur de 30% à 40% du ressenti selon les individus. Ce chiffre m’a toujours semblé remarquable, tant il nous amène à comprendre à quel point notre mental influence notre rapport à la réalité. Mais surtout il ne reflète pas l’écart possible de ressenti selon la façon d’être plus ou moins conditionné par le passé : ce taux peut avoisiner les 0% chez certains, et être bien plus important chez d’autres.   Tout cela est bien évidemment inconscient et automatique en nous, mais nous pouvons constater que lorsqu’une personne est totalement centrée sur le présent, son ressenti est différent et la douleur s’en trouve amoindrie.

Les blessures.  Le fonctionnement est presque le même : nous savons tous qu’une personne qui reprend une activité physique après une blessure va se tendre inconsciemment dans certains de ses mouvements. C’est une réaction naturelle : le corps désire se protéger et empêcher un nouvel accident. Cependant, une tension supplémentaire va non seulement réduire la performance, mais surtout elle peut avoir un effet inverse et déséquilibrer l’harmonie du corps…. Ce qui peut créer un terrain favorable à une autre blessure ! Dans un autre domaine, c’est une problématique que les kinésithérapeutes / ostéopathes connaissent bien.  Libérer une personne de son passé consisterait ici à aider son corps à tirer les leçons de son expérience tout en désactivant les systèmes de compensation superflus.

Les croyances. Une expérience nous crée un point de vue, et si ce point de vue se généralise, nous nous créons une croyance, c’est-à-dire une idée reçue qui enferme nos pensées dans un schéma défini.

Notre cerveau fonctionne ainsi, et nos échecs comme nos réussites peuvent finir par nous limiter si nous y sommes trop liés. Observez autour de vous : plus une personne est dans ses certitudes moins elle parvient à se remettre en cause et à apprendre, à corriger ses automatismes : elle est alors conditionnée par sa façon de penser, par ses croyances.

Si une personne s’est créé une croyance suite à des échecs, on imagine bien que les avoir en tête est une perte d’énergie considérable ! Elle aura tendance à reproduire le même schéma et à s’autolimiter. Se crée alors un cercle vicieux de perte de confiance.

Mais on oublie aussi parfois que les réussites ont aussi un potentiel de nuisance ! Beaucoup de sportifs cherchent à reproduire ce qui a marché… ils se déconnectent alors de leur ressenti immédiat et provoquent une contradiction dans leur mental qui est perdu entre le présent et le passé. C’est particulièrement courant juste après un succès : vouloir faire « la même chose » semble être une bonne idée à première vue… c’est en fait bien plus souvent une impasse : dans un moment de réussite, chaque instant est unique et indépendant ! C’est l’une des raisons qui explique le grand nombre de sportifs qui baisse en niveau après une réussite marquante, réaction mystérieuse pour un observateur non initié aux mécanismes cérébraux.

Le contre-exemple : nous avons tous su vivre l’instant !

D’autres exemples pourraient être cités pour démontrer l’encombrement que le passé peut induire chez un sportif et comment il peut affaiblir l’intensité et diminuer la performance,  mais concentrons-nous maintenant sur la solution : c’est-à-dire la voie qui permet de se libérer de cette contrainte pour aller, de plus en plus, vers l’état de présence.

L’idée principale est que le passé n’a pas toujours été une limite pour nos apprentissages. Dans nos premières années, nous n’avions pas cet obstacle et nous apprenions vite et bien.

Prenons l’exemple de la marche : tomber des centaines de fois, nous faire mal, en pleurer quotidiennement ne nous a jamais empêché de nous mettre debout encore et encore jusqu’à trouver la stabilité du corps. Chaque expérience était enregistrée par le corps pour améliorer notre maîtrise, mais le processus se faisait de façon très naturelle et inconsciente. Et surtout, personne, arrivée à l’âge adulte, ne s’est jamais senti traumatisé par les multiples chutes de sa petite enfance !

L’innocence de l’enfant est ici un avantage énorme. Malheureusement, en grandissant notre perception a changé. Tout n’est pas à jeter bien entendu : nous avons appris à nous maîtriser, à mesurer le danger et à éviter les risques inutiles par exemple… l’idéal serait donc de réunir les avantages de l’état d’enfance, sans abandonner ceux de l’état adulte.  Heureusement, notre cerveau semble capable de retrouver / recréer des capacités et autres états d’esprit que nous avons connu dans le passé, même si nous ne les avons pas utilisés depuis un certain nombre d’années.

Voici 2 pistes pour amorcer ce travail, des directions qui peuvent être facilement testées et qui, combinées, peuvent déjà favoriser la mise à distance du passé. Ces outils, nous les utilisons régulièrement comme amorce, avant de les ajuster et de les amplifier ensuite par un travail en hypnose.

A : Rejeter les souvenirs vers le passé

1 : Prenez-vous quelques minutes pour penser à votre activité sportive : quelles sont les images, pensées, souvenirs qui vous viennent ? Laissez venir tout ce qui surgit dans votre esprit et notez simplement ce qui génère de l’émotion, agréable, comme désagréable.

Ce qui revient est parfois symbolique et subjectif : ne cherchez ni à transformer ni à amplifier quoi que ce soit : vous devez laisser votre mental créer ses propres associations d’idées.

2 : Puis, quand il vous semble que vous avez fait le tour de ce qui vous parvient (les images, les sons, les pensées ou encore les  sensations) revenez sur ce qui a provoqué le plus fort ressenti. Prenez ces éléments un par un, et imaginez à chaque fois que vous repoussez,  tous ces éléments loin derrière vous, jusqu’à sentir qu’une distance se crée et qu’ils perdent toute influence : vous devez parvenir à un état de neutralité émotionnelle, une indifférence totale.

L’idéal est de faire cet exercice quelques minutes avant une épreuve de façon à bien indiquer à votre cerveau qu’il doit laisser le passé à distance.

B : Retrouver les sensations de l’enfance

Vous allez tenter ici de vous rapprocher de l’état d’innocence de l’enfance. Cette recherche intérieure sera facilitée si vous êtes détendu, les yeux fermés dans une position confortable, et idéalement dans un état d’autohypnose.

1 : Vous allez créer une image de vous-même tel que vous étiez lorsque vous aviez 1 ou 2 ans. Aidez-vous avec des photos si vous en avez, mais soyez aussi conscient que l’image projetée mentalement n’a pas à être particulièrement précise ou nette. Une silhouette imprécise suffit, du moment que vous savez que c’est votre propre image que vous tentez de dessiner mentalement.

2 : Imaginez ensuite le ressenti d’un enfant à cet âge, et tout doucement entrez dans cette projection, comme si vous pouviez vous plonger à l’intérieur de votre image mentale.

3 : Une fois à l’intérieur, imaginez le ressenti, le rapport au corps, la façon dont le mental fonctionne… Percevez que plus vous entrez dans cette projection, plus des sensations passées vont vous revenir. Concentrez-vous sur les détails, même si c’est encore un peu intellectuel au début, et persévérez jusqu’à avoir la sensation que vous savez comment votre corps bougeait à cette époque,  que vous vous reconnectez à la vision du monde que vous aviez à cette époque, à votre perception de vous-même et des autres…

Plus les détails reviennent, plus vous allez enrichir votre expérience. En répétant cet exercice, vous stimulez votre cerveau dans une direction, dans une recherche visant à retrouver d’anciennes manières d’être. Avec un peu de pratique, le simple fait de penser à cet exercice changera votre état d’esprit et vous rapprochera du centrage que connait un petit enfant.

Prendre quelques instants avant une compétition pour se relier à ce ressenti crée un autre état d’esprit !

Que ce soit avec ces exercices ou d’autres, la quête de l’état de présence vaut largement un entrainement mental… je vous propose de commencer cette exploration en attendant la suite de cette série d’articles d’ici peu !