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Dans un sport de combat, la nuance de cette phrase semble évidente et très souvent elle fait toute la différence. Pourtant, la conséquence derrière reste la même : celle d’une action physique, une technique, par exemple, un randori ou un sparring. Malgré cela, il y a un univers entre les verbes « jouer » et « combattre ». Le choix des mots qu’on emploie est révélateur de la perception qu’on a d’une situation, donc de la représentation mentale que le sportif ou le coach ont à la fois de l’action (compétition, open, travail technique, exercice…) et  des conséquences de celle-ci. Même si un mot, ou une formulation ne détermine pas nécessairement la performance, ils l’orientent. Et cette orientation présupposée derrière un mot ne va pas toujours dans la direction optimale…

« Mesdames et messieurs, ici votre commandant de bord du vol 747 pour Sydney. Nous approchons de notre destination finale et dans quelques minutes nous allons amorcer la descente. Je vous prie par conséquent de rejoindre vos sièges, d’attacher vos ceintures, de relever vos tablettes, et d’éteindre vos appareils électroniques car nous allons essayer d’atterrir… »

Alors ? Quel  effet cela vous a fait de lire ces lignes ? N’êtes-vous pas ravi d’être  tranquillement derrière un ordinateur plutôt qu’à bord d’un avion et d’entendre cette phrase ? Quelles images avez-vous eues dans votre esprit ? Un avion qui se crashe, une turbulence ? Quelle sensation avez-vous ressentie ? Pas très agréable n’est-ce pas ? Et pourtant, il n’y a eu qu’un mot pour tout faire basculer. Et votre mental y a réagi.

Un mot : une étiquette sur un pot.

Prenons le mot « essayer ». Imaginez que ce soit une étiquette collée sur un pot, par exemple de confiture. A l’intérieur, au delà de ce que la simple étiquette annonce, il y a plusieurs ingrédients qui s’ajoutent au nom du fruit (sucre, sirop de glucose…et d’autres choses plus ou moins bonnes, mais ne rentrons pas dans un débat de nutritioniste).

Pour notre mental, chaque mot est associé à des ingrédients multiples. Mais notre mental va trop vite pour que nous ayons conscience de toutes les associations d’idées et de sensations et nous n’avons que l’information finale qui parvient à notre conscience.  Pourtant, inconsciemment, notre corps et notre cerveau réagissent à tous ces ingrédients là.

L’étiquette « essayer » par exemple peut contenir autant l’éventualité de l’échec, de la défaite, que le doute et la difficulté. Mais cela peut aussi être associé à des souvenirs d’essais infructueux, inaboutis, ou non satisfaisants. Ce qui peut faire ressurgir des sensations de frustration, de peur, des remises en question (« Et si j’essaie et que je n’y arrive pas, que se passera t-il ? »). Tout cela se fait en une fraction de seconde, et sans que l’on s’en rende compte. C’est l’ensemble des présupposés contenus dans le verbe « essayer » qui est en jeu. Bien entendu, à l’inverse, il peut y avoir des ingrédients stimulants comme le challenge, le défi, l’envie de prouver quelque chose, le dépassement de soi…

Donc, derrière un mot, notre mental présuppose plein de choses, qui automatiquement vont s’associer à travers nos émotions, nos sensations, nos souvenirs, nos apprentissages et entraîner des conséquences pour notre performance. Mais attention, c’est aussi ce qui rend chacun unique, puisque tout le monde a son propre pot de confiture derrière chaque mot. Nous sommes au cœur de la subjectivité.

« Les gars, on fait tout pour essayer de rester dans leur terrain » n’est pas la même phrase et ne porte pas les même sous-entendus que « les gars, on fait tout ce qu’on sait faire pour rester dans leur terrain ». Vous sentez la différence, non ?

Bien ou mieux ?

Bien faire. L’école nous a appris à rechercher le « assez bien »/ « bien »/ et même le graal du « très bien » en haut de la page de dictée. Sauf que cela n’est peut-être pas aussi efficace qu’on le pensait.

« Plaque bien ». « Combats bien ». « Prépare-toi bien »… Là encore ce sont des phrases que l’on entend souvent en sport, que ce soit entre sportifs ou avec le coach.

Mais « bien faire », c’est quoi?

Pour certains cela veut dire faire plus que les adversaires, pour d’autres cela signifie réaliser le geste parfait, ou du moins s’en rapprocher. Là encore, derrière ce mot, se trouvent de nombreuses d’associations d’idées différentes. Si je me dis « Bon, cette fois ci je dois bien faire telle ou telle technique »,  je laisse peut-être la porte ouverte à la pression. Mentalement, quand je me conditionne à devoir faire bien quelque chose, je me conditionne paradoxalement aux éventualités inverses : que se passe t-il si je ne fais pas bien ? La performance sportive étant par définition en lien avec la notion d’incertitude, ce genre de formulation implique une prise en compte de conditions qui ne dépendent pas de moi. Et donc qui ne me permettent pas de « bien faire » ? Ainsi, mentalement, la performance dépend de beaucoup plus que ce qui est sous le contrôle du sportif : la météo, les réactions des adversaires, l’arbitrage…

A l’inverse, quand on se dit « je dois faire au mieux (ou de mon mieux) ». Il y a derrière cette étiquette là des ingrédients qui ramènent le sportif à ce  qu’il a sous son contrôle. Ses comportements, ses réactions, ses habitudes, ses pensées, ses émotions…

« Je dois tout donner et faire au mieux » n’a pas le même impact que « Je dois tout donner et faire bien. » Etonnant n’est-ce pas? Faites le test, là maintenant. Pensez à votre prochain enjeu. Et dites-vous que « quoi qu’il arrive, vous devez faire bien ». Maintenant, toujours en pensant à cet événement, dites vous « quoi qu’il arrive je dois faire au mieux ». Qu’est-ce que ça change? Quelle différence percevez-vous? Quelle formulation préférez-vous?

Le choix des mots, une liberté de la préparation mentale.

La préférence, l’attirance, le ressenti et la subjectivité : Voilà ce qui apporte la liberté de choix. L’idée n’est pas de bannir certains mots comme : tenter, essayer, faire bien, être le meilleur… L’idée est d’avoir le choix. Et pour avoir le choix, il faut reprendre conscience de ce qui se faisait tout seul. Derrière  le fait de  conscientiser l’utilisation de certains mots, de certaines tournures de phrases, vous ramenez  la possibilité de choisir tel ou tel mot, pour préparer, aborder au mieux votre performance physique.

Au delà de cela, vous reprenez conscience de la manière dont votre mental, vos émotions, vos association d’idées fonctionnent. Vous reprenez de l’autonomie.

Un vrai jeu de mot.

Prenez le temps pendant quelques jours d’entendre les mots que vous dit votre coach, ou vos partenaires (ou vos proches, vos collègues). Par exemple quand votre coach vous dit : « Je vous montre une technique et après vous l’essayez ». Ou quand vous entendez un partenaire dire « C’est dur » au lieu de dire : « C’est pas facile ». Ou encore quand, dans votre rôle d’entraîneur, vous entendez un de vos jeunes sportifs dire : « C’est difficile » au lieu de dire par exemple « C’est nouveau ». Puis demandez-vous comment vous l’auriez proposé si vous étiez à sa place. Prenez le temps aussi de prendre conscience de ce que vous vous dites, mentalement avec votre « dialogue intérieur », avant/pendant et après l’entraînement… vous serez souvent surpris d’observer qu’il y a certains mots/ étiquettes qui vont changer tout seuls…

En trois mots, pratiquez au mieux 😉

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